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LE DICTIONNAIRE VIRTUEL & INFINI DE R DE RÉEL

a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v wx yz
 
 
 


La fête c’est quand les gens rient ensemble. Il y a plusieurs genre de fêtes, et en général chacun connaît sa préférée (là où il se sent bien) et celle qu’il méprise (là où il n’est pas capable de s’amuser avec ceux qui s’agitent). (Voir
feria, feu d’artifice, football).

 


La feria est une fête du sud et demande un petit temps d’adaptation aux parisiens. On y boit beaucoup de sangria et on y tue des taureaux. La sangria est souvent très décevante, surtout pour les gens du nord qui ont toujours cru que dans le sud elle est forcément bonne, alors que par définition elle est imbuvable et donne mal à la tête. En général c’est l’été et il fait chaud: ça tombe bien, ça évite de  regretter la journée passée à dessaouler, puisque aucune autre activité n’est envisageable sous le cagnard. Le soir dans la rue tout le monde chante et boit, il y a beaucoup de bagarres. La feria engendre beaucoup de remue-ménage et il vaut mieux éviter d’être coincé au milieu de la foule si on a du mal à s’y amuser (pour les calmes, un petit séjour au festival d’Avignon remplace avantageusement la feria de Nîmes).
Après la corrida, on commente les morts de taureaux, qui se sont souvent bien battus. On récompense la prouesse du torero en lui donnant des oreilles de taureau. Le torero est habillé de façon ridicule pour bien montrer qu’il n’est pas un homme comme les autres, et pour mettre en avant le côté éminemment sensuel, voire érotique, de la corrida (c’est là que je me dis que je n’ai pas dû voir les bonnes).
Certains ne vont même pas voir le grand sport de l’arène parce qu’ils sont venus là uniquement pour picoler en bande. Ce qui rappelle un peu d’autres occasions de biture collectives ou l’objet de la rencontre est parfois oublié pour laisser place à un grand défoulement excessif. Enfin, festif, quoi (voir
football).

 


Le feu d’artifice est ce qui fait briller les yeux des enfants dans le noir. Ils voient se déchaîner le feu du ciel tout en étant bien protégés dans les bras de leur parents. Frisson d’angoisse reptilienne alliée à la sécurité, le grand huit n’a rien à lui envier. Comme il se déroule tard le soir, un soupçon d’interdit s’ajoute alors que l’on pénètre doucement le monde de la nuit des adultes. Après les lumières et les sons, il reste une petite odeur de poudre qui hante les narines tout le long du retour à la maison. On peut noter que le feu d’artifice s’accommode très bien d’une petite barbe à papa. Par contre, le hot dog des stands de bord de route n’est en général pas à recommander. Le feu d’artifice n’est pas une fête particulièrement trash : peu de gens saouls ou drogués à bloc dans ces foules de fête nationale. Même si cela n’est plus un critère nécessaire à rendre une fête acceptable (puisque de nos jours les raves sont organisées par les mairies et la vente d’ecstasy surveillée par une police vigilante), ce sérieux aide à sa reconnaissance par les gens sérieux. Cependant certains vieux cyniques y verront toujours un événement à double tranchant pour le citoyen, qui y voit vraiment bien s’envoler ses impôts (il suffit ainsi d’écouter les commentaires des pisses-froid quand la foule se délite, pour savoir que tout plaisir communautaire a des côtés insupportables pour nos contemporains à BMW).
Fête simple pour adultes et enfants sous forme de dépense somptuaire, inutile et généreuse, de nature à lier le groupe: encore un truc de chinois.

 


Le football est d’abord un jeu. Un jeu très simple et assez spontané : tous les enfants adorent donner des coups de pieds dans quelque chose qui traîne par terre. Après, on peut s’entraîner, se spécialiser, être dans un club avec des copains, jouer le soir après le travail. Traditionnellement les garçons jouent plus au foot que les filles. Cela s’explique par le fait qu’il est assez difficile pour une fillette de 11 ans de supporter les moqueries plus ou moins agressives qui peuvent commenter son penchant pour le ballon: en général, à un certain âge elles préfèrent arrêter.
Autour du sport, comme bien souvent, il y a une fête. On regarde entre amis, on va ensemble sur les gradins, on commente et on se dispute. Parce que bien sûr, à l’instar de la corrida, le football est quelque chose de sérieux : il y a entraînement, il y a sélection, il y a argent, il y a choix politiques.
D’ailleurs, tout comme la politique nationale le foot reste hors de portée : il est dans tous les journaux, tout le monde en parle mais aucun citoyen n’a la sensation d’avoir de pouvoir d’influencer les choix faits – cris dans le vide.
Alors pour oublier on fait la fête. D’ailleurs, le football est encore plus la grande fête depuis 1998: il nous a rapporté plein de devises et les filles aussi ont dansé pour supporter. Ici «supporter» est le mot qui désigne l’action tout autant que l’acteur. Il
aime s’habiller et se motiver longtemps avant le match, danser avec ses amis, saoul comme lui, longtemps après l’événement. On pourrait dire «encore un prétexte!», mais peut-on faire la différence entre prétexte et action quand il s’agit de se divertir?  Entre mise en spectacle de son amusement, participation à un moment collectif et plaisir personnel retiré, les limites restent floues mais cela n’empêche pas qu’il faut que la fête existe.
On notera en passant qu’une bonne politique de maintien de l’ordre public passe certainement entre autres choses par l’entretien d’une équipe de haut niveau. Si on en doute, il suffit de voir les combats de rues à Manchester (UK) quand l’équipe a perdu. Alcool du supporter éructant et vindicatif, propre au crime racial.
Mais tout ça est une question de culture. D’autres se déchaîneront ailleurs.