Proposer un article
DICTIONNR
LE DICTIONNAIRE VIRTUEL & INFINI DE R DE RÉEL

a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v wx yz
 
 
 


«ENCYCL. Pour un enfant, un dada, c’est un cheval pour tout de bon, et aussi le cheval de bois ou de carton qu’on lui donne pour jouet, et sur lequel il se met ; il va à dada, c’est-à-dire à cheval, à califourchon. Pour l’homme fait, le dada est une idée fixe qu’il enfourche, un éternel sujet de conversation, une manie sur laquelle il est perpétuellement à cheval. Les Anglais ont un mot qui correspond à notre dada, c’est hobby-horse (cheval d’enfant). Sterne, dans l’ouvrage intitulé Vie et opinions de Tristram Shandy, nous apprend à respecter sagement le dada de chacun. «Les anglais les plus sages, sans en excepter même Salomon, le sage des sages, dit-il, ont eu leur hobby-horse, leurs bizarreries, leurs médailles, leurs tambours et leurs trompettes... On les a vus, chacun à sa façon, aller à califourchon sur leur dada. — Qu’ils aillent, monsieur, qu’ils aillent ! Pourvu qu’un homme se promène tranquillement sur son hobby-horse, sans nous obliger, ni vous ni moi, à monter en croupe derrière lui, dites-moi, monsieur, qu’est-ce que cela nous fait ?» L’histoire de ces bucéphales familiers serait bien longue à faire [...].»


Malgré tout le mal que je peux penser de l’Angleterre, je me rends bien compte qu’une nation décadente est également une nation incroyablement lumineuse par certains aspects : dans la destruction des dernières valeurs, au moment ou plus rien n’a de sens pour personne, les idées s’expriment librement et colorent les murs des clubs.

 


Dieu a créé les lettres de l’alphabet. Le Diable a créé les dés. C’est qu’il était jaloux.
Las de voir les 21 signes divins(1) décrire raisonnablement le monde, le Diable a ponctué de 21 points la déraison des hommes : 1+2+3+4+ 5+6=21, les six faces d’un dé(2).
Depuis rien ne va plus.
Mallarmé frappe la poésie d’un coup de grâce(3).
Sur un navire croisant au large, Saint Louis cherche en vain son frère, le comte d’Anjou. On lui répond qu’il joue aux dés. Saint Louis « prist les dez et les tables et les geta en la mer »
et ce coup de dés, conté par Joinville(4),
lancé dans des circonstances éternelles
du fond d’un naufrage
demeure.
Saint Louis « se courouça moult fort »
et ce coup de gueule, conté par Joinville,
le heurt successif
sidéralement
demeure.
Au fond de l’eau demeure 1, 2, 3, 4, 5, 6 lancé par le frère du comte d’Anjou, conté par hasard par Mallarmé,
dans ces parages
du vague
en quoi toute réalité se dissout.

1. L’alphabet contenait auparavant 21 lettres.
2. « Sicut Deus invenit 21 literas alphabeti... ita Diabolus invenit dados ubi posuit 21 puncta », Gabriel Bareletta, prédicateur du Moyen Âge.
3. Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, 1897.
4. Joinville, Histoire de Saint Louis, 1309.


Classique mais important: toujours se souvenir que quand quelqu’un vous agace, c’est que vous reconnaissez chez elle (lui) vos propres défauts.
Il y a rarement plus que ça….

 


Les dictionnaires usuels définissent la démocratie comme une doctrine uniquement politique. Elle est, idéalement et médiatiquement, pour la plupart des gens "le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". Les gouvernements sont tous classés selon la forme de la démocratie: "directe" dans les petites communautés où le peuple gouverne effectivement sa communauté, "représentative" dans les communautés les plus importantes où le peuple remet sans le comprendre tous ses droits politiques à des représentants. En dehors de la démocratie, le gouvernement est, sans le dire, politiquement autoriataire: dictatures, monarchies, oligarchies; asns le dire et même en le qualifiant de démocratique.
La démocratie, que l'on vante toujours, est toujours trahie plus ou moins en fait. Le peuple est privé de son pouvoir politique essentiel qui échoit, en France, à des députés et à un chef d'Etat qu'il élit sans aucun mandant contraignant, à des ministres qu'il n'élit pas, choisis en général parmi les parlementaires, membres de aprti qui sont des associaitons privées, entourées d'élites irresponsables politiquement qui gravitent autour des hommes et des femmes de pouvoir pour influencer leurs décisions. Les représentants se protègent par de nombreux secrets impératifs qu'ils décident dans ce but de protection, sans l'accord du peuple.
Le secret mortel pour la démocratie française est le "Bouton rouge", situé dans la cave de la présidence. Le Président appuie sur le Bouton rouge: la guerre nucléaire est enclenchée; il en a le droit puisqu'il est l'ELU DU PEUPLE.

 


«Les arbres s’enfonssent dans la terre par leur racine comme leur branches s’élève vers le ciel. Leurs racines les défendent contre les vents et vont cherchaient, comme par de petits tuillaux sous-terrains, tout les sucs destiné à la nouriture de leur tige. La tige elle-même se revet d’une dure écorse qui met le bois tendre à l’abrit des injures de l’air. Les branches distribuent en divers canneaux la sève que les racines avaient réunies dans le trond.» Il soupire. Il a dix ans, il est né en 1863, et il essaie de copier sur son voisin. Son voisin a dix ans, il est né en 1977, et il est sûr que trond ça s’écrit avec un c pas avec un d. Donnant donnant : il vérifie l’ortografe de ce mot qu’il a écrit tuyaux, ah ben lui il écrit tuillaux ouais ça doit être ça ; petit coup d’œil supplémentaire, tiens lui il met sucs; petit coup d’effaceur et voilà des tuyaux et des suques qui disparaissent. Il a dix ans, on est en 1873, et il essaie d’expliquer à ses parents que la maîtresse est réellement très sévère et que la note moyenne ne s’élève qu’à neuf virgule cinq ; il a dix ans, on est en 1987, et il essaie d’expliquer à ses parents que tout le monde a eu une sale note et puis d’abord la moyenne de la classe c’est  jamais que dix et quelques sur vingt.
1873, mon Dieu il a eu zéro à sa dictée, 1987, nom de Dieu il a eu zéro à sa dictée. Tu parles qu’il existe Dieu, si Dieu existait Fénelon il aurait pas besoin d’écrire une Démonstration de l’existence de Dieu d’où de méchantes maîtresses sans âge, 1873 1987, tirent le texte de la dictée «les Arbres».
1987, nom de Dieu il a eu zéro à sa dictée, l’orthographe se perd; 1873, mon Dieu il a eu zéro à sa dictée, reste à trouver l’orthographe.
L’orthographe se trouve dans les consonnes qui sonnent belles, les h qui hérissent les hérissons, le w d’un wagon doublement pas simple ; elle se trouve dans les voyelles muettes de mots voyous car elle est joli; elle se trouve dans les règles qui dérèglent tous les sens, -emment se prononce amant incidemment.
Le titre exact du livre de dictée est Démonstration de l’existence de Dieu, tirée de la connoissance de la nature & proportionnée à la faible intelligence des plus simples. Leurs fautes d’orthographe, ils ont dix ans, sont les démonstrations de son existence, démonstration proportionnée à la faible intelligence des plus simples, les plus simples qui se vantent de n’être pas fautifs et qui croient aimer le dictionnaire et qui s’écrient mon Dieu il a eu zéro à sa dictée.
Qui croient aimer le dictionnaire. J’ai mis un seul n à dictionnaire mais l’ordinateur qui est bête corrige automatiquement, je remets donc un seul n à dictionaire, c’est pas que je connaisse pas l’orthographe, c’est juste que Furetière ben il était académicien et il écrivait ça avec un seul « n », dictionaire, na na nère.

Ce texte s’inspire de la lecture du livre d’A.Chervel & D.Manesse, La dictée (Calmann-Lévy-INRP, 1989), lesquels ont dicté à un échantillon d’élèves, en 1987, le texte de Fénelon que l’inspecteur général de l’instruction primaire, Gaspard Beuvain d’Altenheim, avait dicté entre 1873 et 1877. Les copies des élèves de 1873 ayant été conservées, une comparaison du niveau en orthographe a pu être établie, laquelle est légèrement favorable aux élèves de 1987.

 


«Le dindon est le plus gros, et sinon le plus fin, du moins le plus savoureux de nos oiseaux domestiques.
Il jouit encore de l’avantage unique de réunir autour de soi toutes les classes de la société.
Quand les vignerons et les cultivateurs de nos campagnes veulent se régaler dans les longues soirées d’hiver, que voit-on rôtir au feu brillant de la cuisine où la table est mise? un dindon.
Quand le fabricant utile, quand l’artiste laborieux rassemble quelques amis pour jouir d’un relâche d’autant plus doux qu’il est plus rare, quelle est la pièce obligée du dîner qu’il leur offre? un dindon farci de saucisses ou de marrons de Lyon.
Et dans nos cercles les plus éminemment gastronomiques, dans ces réunions choisies, où la politique est forcée de céder le pas aux dissertations sur le goût, qu’attend-on? que désire-t-on?  que voit-on au second service? une dinde truffée! Et mes Mémoires secrets contiennent la note que son suc restaurateur a plus d’une fois éclairci des farces éminemment diplomatiques.

Influence financière du dindon.
L’importation des dindons est devenue la cause d’une addition importante à la fortune publique, et donne lieu à un commerce assez considérable.
Au moyen de l’éducation des dindons, les fermiers acquittent plus facilement le prix de leurs baux ; les jeunes filles amassent souvent une dot suffisante, et les citadins qui veulent se régaler de cette chère étrangère sont obligés de céder leurs écus en compensation.
Dans cet article purement financier, les dindes truffées demandent une attention particulière.
J’ai quelque raison de croire que, depuis le commencement de novembre jusqu’à la fin de février, il se consomme à Paris trois cents dindes truffées par jour : en tout trente-six mille dindes.
Le prix commun de chaque dinde, ainsi conditionnée, est au moins de 20 francs, en tout 720 000 francs ; ce qui fait un fort joli mouvement d’argent. À quoi il faut joindre une somme pareille pour les volailles, faisans, poulets et perdrix pareillement truffés, qu’on voit chaque jour étalés dans les magasins de comestibles, pour le supplice des contemplateurs qui se trouvent trop courts pour y atteindre.»

 


On n’a pas tout dit sur les dinosaures. Il faudrait évoquer les ravages causés par la fameuse météorite — ah! la méchante! méchante! méchante! météorite — responsable de l’extinction des dinosaures. C’est aux alentours de 55.000 av. J.-C. que la gigamétéorite B-22 s’écrasa sur un stade situé dans une région qui porte aujourd’hui le triste nom de Mer Morte, pile au moment où tous les dinosaures de la planète s’étaient réunis pour assister à une partie de leur sport national: regarder la pluie tomber. Pas un n’en réchappa et on a pu voir dans cet événement dramatique la cause lointaine du relatif désintérêt des Français pour le cricket — jeu britannique aux règles assez similaires.
Il y a dinosaure et dinosaure. Le premier est assez gentil quoique benêt et parfois maladroit mais toujours bon camarade. Il convient, si l’on en rencontre un par hasard, de s’assurer que l’on possède un logement pourvu d’une hauteur de plafond d’au moins 22 mètres avant d’inviter notre ami à dîner, sans quoi toutes les toitures seront à refaire. Hélas, qui de nos jours possède 22 mètres en hauteur? «Moi, car le ciel est mon seul plafond», dit le vagabond poète qui ferait bien de ne pas la ramener s’il ne veut pas payer une belle grosse taxe d’habitation l’année prochaine.
Mais comment oublier que dans «dinosaure» il y a le grec deinos, «terrible»? Comment ne pas voir que certains dinosaures sont méchants, hargneux, pas prêteurs de leur game boy, vindicatifs, déchiqueteurs de promeneurs et qu’ils ont souvent l’haleine chargée? Évidemment on compte dans cette catégorie le tyrannosaure. D’un autre côté, lequel d’entre nous avec un nom pareil n’éprouverait pas une certaine colère? Et voilà que le petit tyrannosaure dont tout le monde se moquait à l’école s’aperçoit que toute critique cesse lorsqu’il dévore un de ses petits camarades. Ô joie: tout s’arrange bientôt et tout le monde se met à lui parler avec respect; il trouve toujours une place à la cantine et son cartable est porté par un petit dinosaure herbivore. Dans ces conditions le tyrannosaure ne doit pas être systématiquement rejeté. Cela dit en cas de rencontre avec un tyrannosaure : fuir. Préférer, pour ce faire, une voiture rouge, basse, italienne et assez chère.
Il reste à noter — pour être absolument exhaustif — que le terme de dinosaure est parfois utilisé, par association d’esprit (loi 1902), pour désigner des personnes n’ayant pourtant que peu de rapport génétique avec le diplodocus mais qui occupent, dans les entreprises généralement, les postes que nous devrions occuper et qui s’y cramponnent. Sale bête.

 


On débat des matières à enseigner, des contenus, des formes. Un ministre fait naître la crainte des Q.C.M. Mais la dissertation? La dissertation, ou comment apprendre à écrire et à structurer une pensée. La dissertation comme espace qui n’appartient qu’à celui qui la fait, pas de questions imposées, pas de résumés en 217 mots, pas de synthèses, censés prouver esprit malin.
Quoi de plus stérile qu’une dissertation? Les professeurs béatifiant la trinité, le père, le fils, le Saint-Esprit, du thèse-antithèse-synthèse jusqu’à croire que le temps aussi se divise en trois (tout siècle aura deux tournants et toute guerre deux dates charnières). Le cheminement imposé d’une pensée qui se rabougrit dans l’annonce-du-plan-à-la-fin-de-l’introduction, la transition-entre-chaque-partie, la cohérence-obligatoire.
La dissertation crée des gens intelligents (esprit de géométrie) mais bornés (exit l’esprit de finesse). Aptes à faire des thèses à la Sorbonne. À devenir professeurs à la Sorbonne. À vivre au rythme perpétuel de trois parties chronologiques et thématiques : 1.Je suis jeune et rebelle 2.Je suis père de famille et conformiste 3.Je suis retraité et prend du recul par rapport aux deux premières périodes de ma vie.
L’Université s’épuise en dissertations, mais feint de l’ignorer. Ne propose jamais des formes nouvelles. Et s’étonne de s’ennuyer en lisant des travaux conformistes.
Alors, contre les Q.C.M? Plutôt pour le droit à rendre des essais de 15 pages, des prises de parti d’une demi-page, des textes bourrés de référence, d’autres pleins de leur seule réflexion, des collages de citations, des dessins, des hypertextes, des parodies, des manifestes, des versions originales, tout. Tout au-delà de la dissertation. Mais rien en-deçà.

 


Aux évocations érudites du terme «disquaire» et aux sonorités hippiques de «Disc-Jockey», on préfère aujourd’hui la phonétique klaxonnante du mot «DJ» (Deejay!). Labialement conçu comme un ouvre-bouche (le «Dee» qui écarte latéralement les lèvres, et son «jay» qui semble les préparer au baiser profond), ce mot ouvre les portes, délie les langues, excite les plumes. Le piapia mondain se languit vaniteusement jusqu’à ce qu’arrive le DJ. On a déjà refoulé Mick Jagger aux Bains mais jamais on n’y a refusé le DJ.
Aucun sociologue, aucun anthropologue n’aurait consacré une ligne à un disquaire ou à un disc jockey; ils font aujourd’hui du DJ le cœur, le poumon, l’intestin grêle de leurs théories de la post-modernité. Le DJ n’enchaîne plus, il hybride, il ne programme plus de la musique, il fait un cut-up, il ne mélange plus, il métisse, il confronte, décale, recontextualise! Sa cabine est un «DJ Booth», sa caisse de disque une «Flight case», sa prestation devient un «Set».
Comme un artiste il a besoin de faire une balance, d’avoir quelqu’un qui lui porte ses disques, un «light-jockey» qui chevauche la lumière pour lui, quelqu’un d’autre qui chauffe «sa» salle, enfin quelqu’un qui l’annonce et qui n’est rien moins que son «maître de cérémonie».
Ce qui implique bien sûr que l’on s’attende à une cérémonie, à des miracles, on voudrait qu’un coin du ciel se dévoile, que les chèvres se mettent à parler latin, que du feu jaillisse des mains levées vers le ciel, ou plus modestement que la vodka-tonic jaillisse gratuite des pistolets des barmen. Or rien de tout cela ne se produit. Tout comme le prêtre d’une religion ultra-sécularisée, sermonnant un peuple dont la foi se serait affadie et transformée en une convention sociale, le DJ est un professionnel, souvent froid comme un colin et qui sent bien qu’il vient trop tard : ceux qui réussissaient à faire coïncider une montée générale de poppers avec la cloche de «Ring my bell» à New-York, ceux qui mixaient les basses apocalyptiques de la 303 avec la sirène des hélicoptères de police qui les cernaient dans la campagne british, ceux qui coupaient la musique pour monter sur un escabeau au milieu de la piste afin de nettoyer la boule disco du Palladium, tous ceux-là, les légendes, les «masters» qui ne sont plus at work, disent assez qu’on vient trop tard et que tout est mixé, plié, et que, né parfait, l’art du Deejaying (un art réel) est un souvenir qui ne se survit qu’en s’hyper-spécialisant, en devenant une forme corporatiste d’entertainment. Furieux de ne pouvoir créer ces moments «humanistes» généreux, pendant lesquels au fond la musique n’avait aucune importance, les DJ’s optent pour l’obscurité honteuse du spécialiste, qui se défie de ce qui sort de sa petite catégorie, contracte ses sphincters à la seule évocation d’un label hétérodoxe, d’un Bpm de trop, ou d’un son de synthé mal choisi.
Avec l’humour d’un champion du monde de jeu vidéo, le Dee-jay renonce au plaisir de la musique, crache sur la jouissance généraliste non-étiquetable, ignore avec superbe tout ce qui pourrait rassembler, et opte toujours pour un son, une vitesse, quelques labels dont il achètera aveuglément chaque numéro, et dont il entretiendra le culte une fois qu’ils seront tombés dans un oubli souvent mérité. Entré dans l’ordre de la tech-funk, du happy hardcore hollandais, de la tribal dance, du hardstep tendance Northern Soul, ou de la deep-afro-elctro-funk, le DJ d’aujourd’hui se tient à ses vœux. D’une nature rarement hédoniste, le DJ ne boit pas, a les cheveux ras, un jean, des baskets et un T-shirt à l’effigie d’un label. Après son set, il se mêle rarement à la foule, de peur d’avoir à faire la causette avec des manants musicalement analphabètes et qui découvriraient alors son manque d’humour. Il danse peu, et surprise, n’écoute pas ses disques chez lui. On comprendra qui est vraiment le DJ quand on lira dans Mixmag ou Muzik qu’à la maison, il écoute «du jazz», cette musique pour collectionneurs comme lui et dont il pense qu’elle donne à son personnage l’épaisseur intellectuelle qui lui manque.
Cette dichotomie entre le personnage public, présumé flamboyant, et l’être secret tapi entre ses étagères déformées par les maxis, est flagrante chez ceux qu’on commence à appeler les «DJ’s Mac Do», ces DJ’s dont la seule valeur tient dans le fait qu’on sait qu’ils vont toujours faire le même style avec les mêmes ingrédients et la même sauce : une house «happy», avec des hauts, des bas, des sons filtrés, du 120 Bpm, des samples de disco, et tout ce qui peut faire croire à un public type «fête d’HEC» qu’ils sont dans un lieu underground alors qu’ils sont en train d’écouter Skyrock. Ceux-là, les veaux d’or de l’enchaînement du même avec le même, s’arrachent aux quatre coins du monde, car il vaut mieux toujours mieux avoir à Sydney un DJ Mac Do de Paris, alors qu’à Paris on aura booké un DJ Mac Do de Hollande pour le même son, les mêmes «hymnes underground» (ce qui est un nom chébran pour «tube planétaire»). Où qu’il soit, d’où qu’on l’ait fait venir, le DJ Mac Do « jouera » Romanthony, Armand Van Helden, les Masters at Work, Paul Johson, Kerri Chandler et tout le monde dira «Wah, Yeah, what a party». La magie de l’ordinaire, du reconnaissable re-packagé fonctionnera à bloc.
Car le DJ, pour qui sait l’observer avec l’œil rapace du marketing troisième millénaire, n’est pas seulement un exemple accompli d’éternel adolescent que nous sommes et serons encore tous pendant les trente ans qui viennent. Il est aussi le baromètre du versant alternatif de la consommation, il achète beaucoup de disques, développe une loyauté extatique aux marques (les labels), se contente pendant quelques années de s’abreuver aux mêmes points de ravitaillement, de faire coucouche dans la même «niche», peut racheter deux disques quasiment indentiques en se disant qu’il est le seul à comprendre pourquoi ce ne sont pas les mêmes, d’accepter comme une preuve d’intégrité le fait que Kerri soit resté «fidèle» à un son, Kenny à une ligne de basse, et que Thomas ait gardé «the» attitude.
On peut lui vendre comme nouveau n’importe quelle répétition de quelque chose de déjà-existant, l’accrocher comme un junkie à des sous-subtilités parfaitement ineptes, compter sur les loupes qu’il porte en permanence autour des oreilles pour lui faire prendre un détail pour une révolution. On peut l’attendre toutes les semaines avec de la marchandise et être sûr qu’il en prendra. À la vraie différence, il préférera toujours la nouveauté ; à l’originalité, il préférera «son» étiquette, au goût il préférera l’efficacité et à l’avis de sa copine il préférera celui d’un autre DJ, ou de n’importe quel mec, car souvent le DJ est entouré de mecs. Pourquoi?
Presque toujours le DJ a eu dans son adolescence un problème d’adaptation au groupe, et il prend sa revanche derrière les platines : il est au contrôle. Et rares sont les métiers où un gringalet collectionneur, un «nerd» (l’équivalent vinylique du bouquineux binoclard ou du boutonneux fort en maths) a le droit de s’habiller en «Bad boy» sans faire rire.
Nerd, bon consommateur, ado, faux rigolo, corporatiste, et allergique à la gratuité du plaisir, le DJ a tout de l’homme en crise de ce début de millénaire — mais il a quelque chose en plus: quelques milliers de rondelles de vinyl qu’il laissera à ses enfants pour une époque où la musique se téléchargera sans support matériel, et où un logiciel enchaînera automatiquement n’importe quel titre avec n’importe quel autre (qu’il trouvera automatiquement sur le Net), pendant que lui, le DJ, évoquera les raves autour d’un Campari au bar de l’hôtel Méridien Club de jazz Lionel Hampton. «We were the future», lâchera-t-il dans un vieux rot, ronflant comme une ligne de Groovebox.

 


Des enfants jouaient à faire du cinéma. Leurs parents, leurs grands frères avaient déjà cassé tous les codes du cinéma. Les grammaires du cinématographe étaient à la poubelle. Les caméras à l’épaule, pas de lumière, pas de maquillage. Certains historiens avaient appelé cela la Nouvelle Vague.
Les enfants imitent toujours leurs parents en faisant croire qu’ils sont rebelles: leurs parents avaient renoncé aux règles, ils établiraient des règles. Des règles pour un cinéma déréglé.
Leurs parents se foutaient de la religion, leur référence serait catholique.
Ils en firent un dogme. Quelques principes signés à plusieurs. Une anti-grammaire du cinéma. Pas d’éclairage. Pas de pied pour la caméra. Pas de musique. Pas d’effets. La vidéo pour la légèreté. L’ingé son dans le champ pour la véracité.
Ils étaient saouls «comme des Danois»(1) en rédigeant les règles de Dogma 95. Ils étaient Danois. Dans un vidéo-club, on peut trouver Les idiots, Dogme 1 de Lars von Trier au rayon Comédie. À côté de Taxi 1.
Il n’y a jamais eu de films Dogme. Trop contraignant de respecter son propre Dogme: aucun ne suivit les règles jusqu’au bout — là une triche de montage, ici une image faussement abîmée pour faire plus sale.
Ils faisaient tout simplement des films comme leurs grands frères en faisaient, caméra à l’épaule et perche dans le champ valent mieux que lourdeurs de scénario et qu’acteurs engoncés. Ils avaient eu l’idée qu’on parlerait d’eux dans les salons. Ils avaient pensé que leur talent serait mieux reconnu sous une étiquette qui intimiderait les critiques, qui les obligerait à faire des dossiers spéciaux. Ils avaient été malins.
Il y eut des films étiquetés Dogme, certains furent de bons films, d’autres non. Comme au temps de la Nouvelle Vague. Le cinéma n’est pas affaire de chapelles.
1. Lars von Trier.

 


«DRAGON. subst. masc. Serpent monstrueux qui est parvenu avec l’âge à une prodigieuse grandeur. Les anciens Naturalistes se sont esgayez à descrire ce monstre en diverses manieres. Ils luy ont donné des ailes, des crestes, des pieds & des testes de differentes figures, jusques là qu’Aldroandres fait mention d’un dragon né de l’accouplement d’une aigle avec une louve, qui avoit de grandes ailes, une queuë de serpent, & des pieds de loup. Mais il est le premier à dire avec les Modernes que c’est un animal chimerique, si on le pretend faire differer d’un vieux serpent. Quelques uns même ont dit qu’il y a en Afrique des dragons volans qui peuvent emporter un homme & un cheval, & qu’ils emportent souvent des vaches. Albert le Grand fait mention d’un dragon de mer, semblable à un serpent, qui a les ailes courtes, le mouvement très-prompt, & si venimeux, qu’il fait mourir par sa morsure. On appelle aussi la Vive Dragon de mer, ou Araignée de mer. [...]
DRAGON, en termes de l’Ecriture, se dit figurement du Serpent infernal, de Sathan. Ainsi quand il est dit dans l’Apocalypse, Chap. 12. que le Dragon & ses anges combattoient contre St. Michel, il est expliqué aussi-tost, que c’étoit le Diable & Sathan. [...]
DRAGON, se dit hyperboliquement de ceux qui font les meschants & les difficiles à contenir dans le devoir. On le dit même des femmes & des enfants. Cette femme crie toûjours son mari, c’est un vray dragon. Cet enfant est un vray dragon, il est incorrigible & mutin. [...]»