HOUELLEBECQ
et la littérature ?
R de réel
Volume A (janvier 2000)
Critique
(Articles)

Écrivain. Romancier. Littérature. Houellebecq. Cherchez l’intrus.
Alors voilà, tout a commencé ainsi : un écrivain(1) sort un premier roman (Extension du domaine de la lutte) qui raille la société de consommation et raconte la solitude sexuelle, intellectuelle et morale d’un homme perdu dans le « monde comme supermarché ». Depuis, on ne peut plus échapper à Michel Houellebecq.
Extension du domaine de la lutte a été publié en 1994 par un petit éditeur de qualité, Maurice Nadeau, après, selon les dires de ce dernier, plus d’un an d’hésitation(2). L’ouvrage devient très vite ce que l’on appelle un livre « culte » - ce qui signifie qu’on en vend peu, mais à des lecteurs passionnés(3). Quatre années passent, le phénomène Houellebecq se développe(4). Arrive la rentrée littéraire de septembre 1998 : son second roman, Les particules élémentaires, est publié par une nouvelle maison d’édition (pas de chance pour Maurice Nadeau !), d’une tout autre importance commerciale et médiatique : Flammarion. La parution de ce roman suscite aussitôt un engouement démesuré : couvertures de magazines, émissions télévisées, interviews multiples. Le terrible « monde comme supermarché» paraît sans doute moins rebutant à Michel Houellebecq lorsqu’il lui permet de faire exploser les ventes de son livre. Houellebecq frôle même le monde comme hypermarché au moment de la remise du prix Goncourt 1998, que de nombreux critiques regrettent de voir attribué à Confidences pour confidences de Paule Constant (Gallimard) plutôt qu’aux Particules élémentaires. Ces mêmes critiques sont d’ordinaire moins prompts à dénoncer les attributions régulières de ce prix à de mauvais livres(5). Mais rendons grâce à leur jugement littéraire : oui, Michel Houellebecq méritait le Goncourt. Puisqu’il a lui aussi écrit un mauvais livre.
Un mauvais livre ? Un livre ? Autour du phénomène Houellebecq, tout le monde oublie qu’il faut parler de littérature(6). On l’accuse d’être réactionnaire, raciste, stalinien, anti-homo, antitout et le reste(7). Comme si cela avait quelque importance. Comme si l’on ignorait que le talent littéraire peut coexister avec la sombre folie d’un homme - voir le cas Céline pour prendre l’exemple le plus connu. Passe encore que des journaux ou des émissions de télévision s’esclaffent sur le thème « ce qu’il est provocant ce monsieur ! » au moment de la sortie du livre. Mais que la Nouvelle Revue Française(8) (revue littéraire) tombe dans le même travers, voilà qui pose problème. Est-ce donc qu’il y a si peu à dire sur l’écrivain Houellebecq, pour qu’après deux questions sur le style (voir plus bas) et sur les personnages, l’intervieweur de ladite N.R.F. ne s’intéresse qu’aux polémiques ?(9) Pour tous ceux qui ne considèrent pas n’importe quelle déclaration fracassante sur Staline ou sur l’avortement comme la marque du génie, voici donc quelques propos sur les romans de Houellebecq et eux seuls.
Houellebecq parle de la médiocrité et de l’absurdité du milieu de l’entreprise (Extension du domaine de la lutte) ; Houellebecq parle du désenchantement de la génération soixante-huit (Les particules élémentaires). Houellebecq établit des analogies entre les histoires qu’il raconte et des théories scientifiques, à l’instar de Primo Levi qui, dans Le système périodique(10), mélangeait ses souvenirs d’Auschwitz et sa vision de la société à ses connaissances de chimiste. Houellebecq a donc de la culture (scientifique et sociologique), de l’idée, et de l’ambition : ses romans prétendent donner une vision globale de la société, ce qui est somme toute assez rare dans la production française actuelle. Mais tout cela réuni ne suffit pas à faire un bon écrivain. Cela fait tout au plus un écrivain plus malin que les mauvais écrivains - titre que nous ne lui contestons assurément pas. Le titre de bon écrivain, quant à lui, ne peut être donné qu’à quelqu’un qui possède un style littéraire. Mais quel est le style de Houellebecq ?
Dans l’entretien qu’il a accordé à la N.R.F., Houellebecq explique : « J’essaie de ne pas avoir de style ; idéalement, l’écriture devrait pouvoir suivre l’auteur dans les variétés de ses états mentaux, sans se cristalliser dans des figures ou des tics. » Pour ne pas avoir de style marqué, pour pratiquer « l’écriture blanche », encore faut-il bien écrire : Houellebecq en est conscient, puisqu’il dit qu’il « essaie ». Il est humble. L’humilité est de courte durée : « Il reste que certains états mentaux semblent m’être assez spécifiques ; en particulier celui qui se traduit par l’énoncé de propositions anodines, dont la juxtaposition produit un effet absurde. » « Par exemple ? » « Dans Les particules élémentaires, on trouve : «Il n’arrivait plus à se souvenir de sa dernière érection ; il attendait l’orage » (p.27). Ou bien : «Où se trouvait la vérité ? La chaleur de midi emplissait la pièce» (p.31) Un peu plus loin : «L’éternité de l’enfance est une éternité brève, mais il ne le sait pas encore ; le paysage défile» (p.43). Dans ces circonstances, j’observe que j’utilise souvent le point-virgule. Je parle en fait d’absurdité par politesse ; je préférerais que ceci soit vu comme de la poésie ». Michel Houellebecq aurait donc comme style spécifique le fait de juxtaposer, à l’aide d’un point-virgule, deux phrases qui n’ont rien à voir, ce qui produirait un effet absurde, ou pour être moins poli un effet poétique. Rappelons qu’il n’est pas l’inventeur de ce procédé littéraire. On peut par exemple citer Franz Kafka : « L’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. Cet après-midi, je suis allé nager. »(11) Il va de soi que nous n’empêchons pas les écrivains d’aujourd’hui d’utiliser le point-virgule pour juxtaposer deux phrases sans aucun lien. Mais l’effet « je bande ; il pleut » est un peu éculé et facile - en tout cas, pas de quoi revendiquer un style.
Sur le style de Houellebecq, on n’en apprendra pas plus dans la N.R.F. Ayons néanmoins l’amabilité de reconnaître d’autres spécificité que le « ; » au texte des Particules élémentaires. Ainsi l’utilisation des italiques. Page 32, dans un paragraphe racontant une vie banale : « on baise à droite à gauche, en particulier sa femme, qui donne naissance à des enfants ; on élève lesdits enfants pour qu’ils prennent leur place dans le même écosystème [...] ». Ou page 146 : « Bref, là encore, on assistait à un authentique moment de vie réelle ». L’utilisation des italiques produit chez Houellebecq un effet absurde - poétique diraient les impolis. L’italique indique ainsi lourdement combien le mot enfants est saugrenu, faire des enfants cela vous paraît assez naturel oui mais en fait c’est un geste-qu’on-accomplit-sans-se-rendre-compte-de-son-côté-absurde-et-désespéré. Le narrateur, lui, a le sentiment de ne pas faire partie de cette vie réelle et il en souffre ; il aimerait bien faire partie de cette vie réelle-comme-les-autres-mais-il-est-un-peu-décalé-et-c’est-ce-que-montre-ce-livre. (Mais ce livre ne s’est pas trop fatigué à le montrer, il a préféré utiliser des italiques). Pourquoi la société de la fin du XXème siècle où le libéralisme fait rage lit-elle pleine de ferveur les livres de Houellebecq, on se le demande donc.
Et les dialogues. Chez Houellebecq, les dialogues servent à délivrer un message. Exemple (Particules élémentaires, page 321) :
« - Ces cons de hippies... fit-il en se rasseyant, restent persuadés que la religion est une démarche individuelle basée sur la méditation, la recherche spirituelle, etc. Ils sont incapables de se rendre compte que c’est au contraire une activité purement sociale, basée sur la fixation de rites, de règles et de cérémonies. Selon Auguste Comte, la religion a pour seul rôle d’amener l’humanité à un état d’unité parfaite.
« - Auguste Comte toi-même ! intervint Bruno avec rage. A partir du moment où on ne croit plus à la vie éternelle, il n’y a plus de religion possible. Et si la société est impossible sans religion, comme tu as l’air de le penser, il n’y a plus de société possible non plus. Tu me fais penser à ces sociologues qui s’imaginent que le culte de la jeunesse est une mode passagère née dans les années 50, ayant connu son apogée au cours des années 80, etc. »
Woody Allen, qui a plus d’humour que Houellebecq, en faisant réciter des dialogues de ce type à ses personnages, rajoutait sur l’écran la mention clignotante : « Message de l’auteur »(12). Sans parler des idées (Auguste Comte et la religion qui n’est que sociale, bla bla bla), on reste confondu par le style. Prenons par exemple un dialogue de même type chez Céline, entre Bardamu et Arthur Ganate, au tout début de Voyage au bout de la nuit, sur la notion de race française :
« - Si donc ! qu’il y en a une ! Et une belle de race ! qu’il insistait lui, et même que c’est la plus belle race du monde, et bien cocu qui s’en dédit ! Et puis, le voilà parti à m’engueuler. J’ai tenu ferme bien entendu.
- C’est pas vrai ! La race, ce que t’appelles comme ça, c’est seulement ce grand ramassis de miteux dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont échoué ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde. Ils ne pouvaient pas aller plus loin à cause de la mer. C’est ça la France et puis c’est ça les Français.
- Bardamu, qu’il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n’en dis pas de mal !... »
Et un peu de faux Houellebecq, pour rire et pour montrer combien il est facile d’aligner quelques réflexions théoriques adolescentes sur notre société-qui-change-si-vite-mais-heureusement-je-vous-donne-les-clefs-pour-la-comprendre-car-moi-j’ai-réfléchi :
« - La civilisation qui s’achève a été marquée par un mouvement parallèle d’individualisation forte de la cinéphilie (à travers le magnétoscope, les DVD, etc.) et de recherche de lieux conviviaux pour voir des films sur grand écran, comme les multiplexes qui fournissent de nombreux services. Tu ne crois pas ?
- Tu ne comprends donc pas que ce mouvement est le même ? répondit-il sans cacher son énervement. Il va dans le sens de la maximisation du confort de vision par le spectateur qui ne fournit plus d’efforts cinéphilique. C’est une société où le film doit venir à l’homme, et plus le contraire. »
Rappelons notre propos : Houellebecq peut écrire autant de mauvais dialogues qu’il veut, là n’est pas le problème. Le problème est qu’on lui attribue le titre de (bon) romancier, et que lui-même parle de « poésie » à propos de son écriture.

En fin de compte, qu’aimez-vous chez Houellebecq ?
Les descriptions, le réalisme ? Lisez Manchette, c’est mieux que Houellebecq. D’ailleurs ce dernier le cite (entretien à la N.R.F) : « je connais l’existence d’une veine comportementaliste dans le nouveau roman, dans le polar également ; la jonction entre les deux s’étant faite par l’intermédiaire de Manchette. » Jean-Patrick Manchette, auteur des meilleurs romans policiers français des dernières décennies, a une façon d’écrire tout à la fois extrêmement précise, élégante et ironique - lorsqu’il s’applique, car certain de ses polars donnent l’impression d’être des travaux de commande. Il présentera ainsi un personnage : « L’intérieur de Georges Gerfaut est sombre et confus. On y distingue vaguement des idées de gauche. » Il n’a pas son pareil pour faire entrer le lecteur dans une atmosphère quotidienne : « Et il arrivait parfois ce qui arrive à présent : Georges Gerfaut est en train de rouler sur le boulevard périphérique extérieur. Il y est entré porte d’Ivry. Il est deux heures et demie ou peut-être trois heures un quart du matin. Une section du périphérique intérieur est fermée pour nettoyage et sur le reste du périphérique intérieur la circulation est quasi nulle. Sur le périphérique extérieur, il y a peut-être deux ou trois ou au maximum quatre véhicules par kilomètre. »(13) Le rythme heurté, les répétitions volontaires, l’opposition détail/général, bref les effets stylistiques ne sonnent pas faux : « C’était l’hiver et il faisait nuit. Arrivant directement de l’Arctique, un vent glacé s’engouffrait dans la mer d’Irlande, balayait Liverpool, filait à travers la plaine du Cheshire [...] et, par-delà la glace baissée, venait frapper les yeux de l’homme assis dans le petit fourgon Bedford »(14). Certes Manchette n’a pas comme Houellebecq le désir de raconter le monde d’un point de vue global : il (ne) fait (que) du roman policier. Mais il fait œuvre d’écrivain. Il écrit.
Qu’aimez-vous chez Houellebecq ? L’humour cynique sur la société de consommation ? Lisez Vialatte. Houellebecq s’inspire d’ailleurs grandement (essentiellement dans Extension) de celui qui fut à la fois le traducteur de Kafka et le père spirituel de Desproges. Voici du Vialatte : « Les Parisiens reviennent de vacances. Suivis de leurs chiens et de leurs enfants. Les vieillards poussent l’automobile. Les épouses portent le transistor. Il étonna la vache au sommet du mont Blanc et la sardine au fond de la baie des Trépassés »(15), et du Houellebecq : « Imaginer une famille de vacanciers rentrant dans leur Résidence des Boucaniers avant d’aller manger leur escalope sauce pirate et que leur plus jeune fille aille se faire sauter dans une boîte du style «Au vieux cap-hornier», ça devenait un peu agaçant ; mais je n’y pouvais rien »
Qu’aimez-vous chez Houellebecq ? La poésie ? Lisez Éloges de Saint-John Perse :
Alors on te baignait dans l’eau-de-feuilles-vertes ; et l’eau était encore du soleil vert ; et les servantes de ta mère, grandes filles luisantes, remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui tremblais...
(Je parle d’une haute condition, alors, entre les robes, au règne de tournantes clarté.)
Plutôt que Houellebecq page 12 :
Nous vivons aujourd’hui sous un tout nouveau règne,
Et l’entrelacement des circonstances enveloppe nos corps,
Baigne nos corps,
Dans un halo de joie.
Que ceux qui écrivent des poèmes, « Nous lisons des livres mal écrits / C’est la conjonction de nos goûts et des circonstances historiques / Qui font des hommes des êtres perdus mais rêvant encore / Dans un monde parfois sans sexe / Mais toujours plein de supermarchés » n’hésitent pas à les adresser sans tarder aux Editions Flammarion, 26 Racine, 75006 Paris, aux bons soins de Raphaël Sorin, éditeur de Michel Houellebecq. Il se fera sans aucun doute un plaisir de les publier.

Qu’aimez-vous donc chez Houellebecq, puisqu’il n’a pas de style ?
Et d’ailleurs non, il n’y a pas que le style qui manque chez Houellebecq. Le début de cet article laissait supposer que Houellebecq avait une vision globale de la société. Mais cela aussi, c’est faux : Houellebecq n’est pas un auteur qui aurait du fond et pas de forme. Notamment dans Les particules. Il y a en effet, dans Extension(16), malgré les naïvetés typiques d’un premier roman, une idée qui sous-tend le roman, celle de la « lutte » que doit fournir l’homme en permanence pour être comme les autres, pour avoir du travail, une vie sexuelle : « le libéralisme économique, c’est l’extension du domaine de la lutte » (p.100). Dans les Particules, cette idée a été remplacée(17) par un salmigondis de Science-Fiction : l’invention d’une reproduction humaine par la science génétique, une nouvelle humanité qui fait « l’effet d’un paradis ». Le héros des Particules lit, au milieu du roman, le slogan « demain sera féminin » dans un catalogue des Trois Suisses (p.153). A la fin du livre, son « disciple » réutilise cette phrase pour vanter la nouvelle humanité imaginée par le héros (p.388). Conclusion qui s’impose : c’est un slogan des Trois Suisses qui fonde la nouvelle humanité - comme tout cela est cynique ! Houellebecq croit se moquer des Trois Suisses ? De lui-même ? D’Aragon(18) ? Du féminisme ? Du post-féminisme ? Des nouveaux mâles ? De rien du tout ? De rien du tout. Autre idée brillante : « Le désir sexuel se porte essentiellement sur les corps jeunes » (19) (page 133), phrase qui prouve que Houellebecq observe notre monde avec finesse, acuité, intelligence. Mais il ne faut pas isoler une seule phrase de son contexte(20), n’est-ce pas, alors prenons tout un paragraphe, quelques lignes plus bas : « la quarantaine venue, les hommes continuèrent dans leur ensemble à rechercher des femmes jeunes - et parfois avec un certain succès, du moins pour ceux qui, se glissant avec habileté dans le jeu social, étaient parvenus à une certaine position intellectuelle, financière ou médiatique ; pour les femmes, dans la quasi-totalité des cas, les années de la maturité furent celles de l’échec ». Certes. Dire que cette observation de la société est celle d’un génie peut paraître, somme toute, assez exagérée. Or les idées « sociologiques » de Houellebecq ne vont pas beaucoup plus loin. Quant aux idées « scientifiques » sur la génétique, elles sont du niveau de n’importe quelle interview d’un chercheur dans un magazine.

Alors qu’aimez-vous chez Houellebecq ?
Ce qu’on aime chez Houellebecq, c’est le roman de gare.
Michel Houellebecq est sans nul doute un très mauvais écrivain, ses phrases sont lourdes et dénuées de grâce, ses personnages insipides et mécaniques. Ce commentaire, c’est celui que fait Houellebecq lui-même à propos d’Aldous Huxley(21), auteur de science-fiction. Dominique Noguez(22) lui écrit à propos des Particules sans réaliser ce qu’il devrait en déduire à propos du talent de Houellebecq: « on pourrait se risquer - encouragé par certains passages - à dire que c’est le livre qu’Aldous Huxley aurait pu écrire sur son frère Julian, façon de souligner que c’est un livre d’un genre extrêmement rare, du moins en France. » Et c’est vrai que les auteurs de science-fiction, aux phrases lourdes et dénuées de grâce, aux personnages insipides et mécaniques, sont trop rares en France, et pourtant ô combien utiles lorsqu’avant de prendre son train, on cherche de quoi ne pas s’ennuyer trois heures durant.
Michel Houellebecq est donc un bon auteur de romans de gare, science-fictionnesques, sexuels et sociétaux. La postérité qui - à la différence de Bernard Pivot, Philippe Sollers et Les Inrockuptibles - ne se trompe pas, ne lui pardonnera pas son absence de talent. Même si les ventes ne faiblissent pas.
Continuez de vendre, Michel Houellebecq, le monde comme supermarché vous remercie. Mais la littérature ?

Raphael Meltz


( n o t e s )

1. Auteur de poèmes : Le sens du combat, Flammarion, 1996, Rester vivant suivi de La poursuite du bonheur, Flammarion, 1997. Sur la poésie de Houellebecq, voir plus bas.
2. Interview de Maurice Nadeau à Libération, 26 juillet 1999 : « C’était un livre intéressant, mais je commençais à en avoir marre d’essuyer les plâtres et que mes auteurs aillent voir ailleurs. J’avais perdu de l’argent. Sa petite amie et lui [Houellebecq] ont fait le siège : puisque j’avais publié Perec, je devais aussi le publier. J’ai résisté un an et puis... »
3. La réédition en poche, en 1997, lui assure une bien plus grande diffusion : 100.000 exemplaires en janvier 1999.
4. En partie grâce à la revue Perpendiculaires, dont il est l’un des animateurs.
5. Exception notable, en 1999, avec Je m’en vais de Jean Echenoz (éditions de Minuit).
6. Bien des critiques ont affirmé ne vouloir parler non du phénomène, mais du livre pour, en fin de compte, ne parler que du caractère réactionnaire ou visionnaire de Houellebecq.
7. Suite notamment à l’interview accordée par Houellebecq aux Inrockuptibles de la rentrée 1998, puis à tous les médias possibles et imaginables.
8. Dans son numéro de janvier 1999.
9. Notamment le procès du camping « L’espace du possible » cité dans la première édition des Particules élémentaires,
10. 1975. Paru en Livre de Poche.
11. Journal, 1914.
12. What‘s new pussycat ? (1965).
13. Deux citations du Petit bleu de la côte ouest. Tous les ouvrages de Manchette ont paru dans la collection « Série Noire » de Gallimard, dans les années 1970 et 1980. L’écrivain est mort en 1995.
14. In La position du tireur couché, 1981.
15. In Chronique des grands mics-macs, Pocket, 1994. Dans la même édition de poche, on trouve d’autres recueils des chroniques de Vialatte, parues dans le journal La Montagne dans les années 1950 et 1960.
16. Comme le reconnaît l’intervieweur de la N.R.F. : « de mon point de vue, Extension est un meilleur livre ».
17. Le terme « remplacer » est impropre, car Houellebecq réutilise cette (astucieuse) idée de libéralisme sexuel (comparé au libéralisme économique) d’un livre à l’autre. Dans Extension : « Sur le plan économique, Raphaël Tisserand appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, à celui des vaincus. » (p.100) Dans Les particules : « leurs destins économiques promettaient d’être comparables [...] L’âpreté de la compétition sexuelle ne diminua pas » (p.83). Houellebecq ne s’en cache d’ailleurs pas, et semble plutôt content de lui : « Ce qui n’a pas varié depuis Extension, c’est ma curieuse propension à traiter les problèmes sexuels sous le même angle que les problèmes économiques. » (entretien à la N.R.F.).
18. « La femme est l’avenir de l’homme ».
19. Indiquons ici que ne sera nullement acceptée l’idée de phrases au second degré, car si une phrase comme celle-ci doit se comprendre comme ironique, il faudrait donc comprendre tout le roman comme ironique, et notamment ses emprunts à la sociologie ou à la science. Si l’on admettait le second degré pour Houellebecq, que penser des dizaines de critiques et des centaines de milliers de lecteurs qui ont fait l’éloge de l’auteur ? Vivrait-on dans un pays où le second degré est extrêmement développé, et serais-je le seul à ne pas être au courant ?
20. Encore que... Le propre des très grands écrivains est justement que n’importe laquelle de leur phrase, même isolée, reste de la littérature.
21. « Aldous Huxley est sans nul doute... » (Les Particules, p.196).
22. Dominique Noguez, « Bien cher Michel... », La N.R.F, janvier 1999. Où le talent littéraire de Houellebecq est loué sans modération Et où l’on découvre la phrase préférée de Noguez, « digne de passer à la postérité » : « Quand elle se tournait sur le ventre, on voyait sa cellulite ; quand elle se tournait sur le dos, on voyait ses vergetures ».
 
 
 
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